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Les marées basses sont aussi nécessaires que les marées hautes, elles ne répondent pas aux mêmes attentes, mais comblent ceux qui savent les apprécier pour ce qu’elles sont. Les premières permettent de se nourrir des coquillages enfouis dans les grèves, les secondes accordent aux âmes la vision de l’infini et, parfois, la beauté terrifiante des tempêtes.

Après deux épreuves psychologiques comme Severance et Adolescence, une pause était nécessaire. Un creux se présente opportunément dans la production, deux séries se laissent prendre dans notre épuisette : La Roturière et la troisième saison de Bosch : Legacy. Elles n’ont aucun rapport sinon d’être contemporaines et d’être diffusées par le même distributeur.

La Roturière (Harald og Sonja)

Sonja

La première est norvégienne, elle raconte en quatre épisodes un drame peu banal puisqu’il touche une jeune et belle roturière et le prince qui l’aime. L’histoire n’est pas tirée d’un conte d’autrefois, mais de faits authentiques.

Première visite à la famille de l’aimée

L’actuelle dynastie norvégienne est née tardivement, à la suite du divorce de la Suède et de la Norvège en 1905. Trois rois seulement se sont succédé sur le trône et uniquement deux à l’époque que retrace la série, c’est-à-dire les années 1959 à 68. Neuf longues années au cours desquelles le jeune prince héritier Harald rencontre une dénommée Sonja Haraldsen(1), fille de drapiers, en tombe amoureux et cherche le moyen de l’épouser.

Baisers cachés

À cette époque, dans les dynasties européennes, seule Margaret, la sœur de la reine Elisabeth II, avait eu l’audace de convoler avec un roturier. On prit d’ailleurs soin de l’anoblir un an plus tard sous le titre de Lord Snowdon. Plus conservateur que sa cousine Elisabeth, le roi Olav V ne pouvait accepter l’idée d’un mariage dépareillé pour son héritier. Selon ses propres termes et ceux de la presse, la Constitution était menacée, le peuple n’était pas prêt à accepter une mésalliance, le Parlement était partagé, en un mot : la survie la monarchie était engagée. Or, son accord était impératif.

Olav V et le prince héritier Harald

Pour le prince, le moment était toujours mal choisi pour affronter son père. Pour Sonja, chaque jour de séparation, chaque visite de famille royale étrangère, chaque rumeur de fiançailles d’Harald avec une princesse, était une blessure. Tout cela dura six ou sept ans. Puis le roi, enfin informé par son fils, mais hésitant entre son rôle de souverain et celui de père, confia la décision au conseil des ministres qui tergiversa durant des mois et finit par ne rien dire de compréhensible. Finalement, mis au pied du mur par son fils qui le menaça de ne jamais se marier, il trancha en faveur des deux amoureux. Le peuple les acclama sous le balcon où ils se présentèrent, les noces furent de véritables noces princières avec tout le tralala nécessaire et le royaume de Norvège entra dans la modernité. « La bourgeoisie d’Oslo, écrivit Paris-Match, se sentit anoblie ».

Le (vrai) mariage

À lire ce résumé, on comprend qu’il ne se passe quasiment rien entre le premier épisode où le problème de la mésalliance est posé et le quatrième dans lequel le roi prend enfin sa décision. On croyait retrouver The Crown à une échelle réduite, on a juste la longue attente du moment où le Prince Harald osera tenir tête à son père et le menacer de mettre fin à la dynastie en ne se mariant jamais. C’est long, mais pas ennuyeux. On est du côté de Sonja, on trouve ce prince un peu mou, mais on sait que tout finira bien. Ce n’est pas que l’on soit captivé et il est certain qu’au cinéma un tel manque de péripéties, d’action, d’évolutions du récit nous ferait soit nous endormir, soit quitter la salle, mais nous sommes chez nous, peut-être déjà même au lit.

Amours princières en démocratie parlementaire

Et puis, pour être honnête, il est vrai que les histoires de princes et de princesses nous ont toujours passionnés parce qu’elles racontent les aventures banales de personnages qui ne le sont pas. Nous vivons la même chose, mais pas dans le même écrin. The Crown avait l’avantage de mettre en scène des figures connues de tous : le prince Charles, la Reine Elisabeth, Lady Di, Camilla, Margaret, etc. Le déficit de notoriété internationale de la royauté norvégienne fait qu’on ne connaît rien des personnages de La Roturière avant de les voir à l’écran. On ne s’en plaindra pas, cela n’a que peu d’importance. Et puis, que l’on se rassure, le pli est pris et depuis l’épreuve du Prince Harald, les princes norvégiens épousent des roturières.

Bosch : Legacy S03

Bosch, la série adaptée des romans de Michael Connelly a été l’un des meilleurs thrillers des années 2010. La première saison a été diffusée en 2014 (2016 en France) et 7 saisons se sont succédées jusqu’en 2021 (aux USA). Le héros, Harry Bosch ayant quitté la police, on le retrouve en détective privé en 2022, dans une suite intitulée Bosch : Legacy. Au passage, sa fille Maddie, est devenue policière et son collègue Hector est mort. Quant à Lance Reddick, l’acteur qui interprétait le rôle du Chef Irving, il est décédé, mais lui, dans la réalité, en 2023.

Maddie et sa coéquipière Reyna

Bosch Legacy en est à sa troisième saison. Le rôle de Maddie a pris de l’importance ainsi que celui d’Honey Chandler, une avocate des victimes de la police, qui se fait élire au poste de Procureur du District et dirige désormais les enquêtes de la police, avec les tiraillements que l’on imagine.

La procureur Honey Chandler

La lassitude ne vient pas du fait que Bosch : Legacy ne soit plus le Bosch des origines. Certes, la disparition l’ex-femme de Bosch, Eleonor, la mère de Maddie, une joueuse de poker professionnelle, a privé le héros de l’un de ses ressorts. De même, la perte du Chef Irving n’a pas été compensée par Honey Chandler. Pas plus que la place prise par l’informaticien-bricoleur-enquêteur Mo Bassi, ne comble la disparition d’Hector. La dynamique de la paire Bosch-Hector donnait son énergie au récit. Le rôle de Maddie s’est étoffé mais sa fonction de repère moral réduit son potentiel dramatique. Dès lors, le manque de personnages forts affaiblit considérablement la série. ceci étant dit, le vrai problème n’est peut-être pas uniquement là. Il est aussi dans la structure du récit elle-même, figée depuis les origines.

Mo Bassi

En effet, il arrive toujours un moment où, une fois épuisés les plaisirs de la découverte, l’esprit identifie les mécanismes narratifs. Il comprend le fonctionnement de la mécanique. Dès lors, ils n’attend plus qu’une chose : qu’elle fonctionne.

Bosch se fonde sur un enchaînement de récits parallèles, mais décalés. Dans cette troisième saison de Bosch : Legacy, on en identifie quatre : l’enquête que la toute nouvelle procureur confie à Harry Bosch, court-circuitant ainsi la police qu’elle dirige, les soupçons pesant sur Harry Bosch au sujet du meurtre en prison du kidnappeur de Maddie dans la saison précédente, l’enquête de Maddie et sa coéquipière sur un gang de voleurs et enfin l’enquête de Bosch sur la disparition d’une famille entière. Quand l’un des récits s’achève, par exemple la suspicion de meurtre du kidnappeur, les autres prennent la relèvent. Une constante, Bosch doit toujours se trouver dans une position délicate, menacé de sanction pour avoir enfreint les règles ou, pire, accusé de crime. La trame ainsi composée pourrait ne jamais s’achever.

Les méthodes parfois brutales d’Harry Bosch

L’atmosphère inquiétante des nuits de Los Angeles s’est dissipée. Au terme de la dixième saison des deux séries cumulées, il faut tout le talent des réalisateurs pour ressusciter un semblant de tension, de suspens, pour nous retenir devant nos écrans. Cela survient en fin de saison mais il n’est pas certain que cela suffise.

Los Angeles, la nuit

Note : 1 – On remarquera que le nom Haraldsen signifie « fils d’Harald », hasard malheureux puisque son amoureux s’appelle Harald.

La Roturière est une micro-série norvégienne en 4 épisodes créée par Vibeke Idsøe et diffusée à partir en février 2025 sur Prime Vidéo. Elle est interprétée notamment par : Gina Bernhoft Gørvell, Sindre Strand Offerdal, Anders Baasmo Christiansen

Bosch : Legacy est un feuilleton états-uniens adapté des romans de Michael Connelly par Eric Overmyer diffusé depuis 2022 sur Prime Video. Il est interprété notamment par : Titus Welliver, Mimi Rogers, Madison Lintz, Stephen A. Chang, Denise G. Sanchez

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