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SS-GB, la série qui ne tombait pas à pic

 

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À quoi sert-il vraiment de nous proposer une nouvelle uchronie sur un thème déjà traité, de reprendre l′idée de la victoire des Nazis en 40 et de nous ressasser la même histoire d′occupants, de collaborateurs et de résistants ? Le Maître du Haut-Château nous a joué cette partition avec talent pendant deux saisons, entre 2015 et 2017, à l’initiative de Ridley Scott et Franck Spotnitz. Les USA vaincus y étaient partagés entre un « Greater Nazi Reich » à l’Est et au Centre et les « Japanese Pacific States » à l’Ouest, avec, dans les Rocheuses une « zone neutre » anémique, à l’image de la « zone libre » française des années 40. La BBC nous offre aujourd′hui une adaptation d′un roman de Len Deighton par lui-même, SS-GB, qui présente une Angleterre elle-aussi occupée par l′Allemagne, avec une zone libre au nord. Les USA sont restés neutres et la Grande-Bretagne a succombé à l′invasion, Churchill a été fusillé, le roi George est enfermé à la Tour de Londres, les princesses vivent en exil en Nouvelle-Zélande. Résistants, collaborateurs, SS cyniques et cruels, manipulations et complots autour d′une bombe atomique en gestation, les ressorts sont les mêmes. Jusqu′au générique, qui ne se distingue ni dans l′esthétique ni dans le rythme de celui du Maître du haut Château. Le modèle est encore une fois l′occupation de la France. Archer, le héros de SS-GB, allant jusqu′à soutenir dans une tirade empruntée à De Gaulle que la Grande-Bretagne n′avait peut-être pas perdu la guerre, mais seulement une bataille.

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Le Maître du Haut Château, dans sa première saison du moins, conservait une aura énigmatique héritée du roman de Philip K. Dick. SS-GB est une uchronie plus prosaïque. L′histoire est celle d′une enquête policière portant un meurtre en période de guerre, un peu à la manière de La Nuit des Généraux, d′Anatole Litvak, un ton en dessous et les génocides en moins. Reste le malaise provoqué par la juxtaposition du crime particulier d′un assassin et de la masse de meurtres « légaux » d′une armée.

Les personnages de SS-GB sont délibérément stéréotypés : un jeune commissaire obstiné, son adjoint vieillissant mais solide et le coeur sur la main, sa secrétaire idéaliste, un colonel SS plein de morgue, des officiers de la Wehrmacht à l′ancienne, un savant assassiné, une journaliste américaine-femme fatale…

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Rien de très original. La même histoire aurait pu se jouer en Russie sous Staline, en Amérique Latine ou en Espagne du temps des dictatures militaires, n′importe où et n′importe quand dès lors qu′un rapport de force existe entre la justice et un pouvoir politique arbitraire. La première conséquence en est la tension qui court tout au long du récit, du fait du danger qui pèse en permanence sur le héros. La seconde est la mise en avant du problème de la Justice dans un régime injuste.

Len Deighton a commis assez de romans d′espionnages pour savoir nous entraîner dans une histoire complexe où les apparences trompent toujours. La manipulation est parfaitement conçue, chaque rouage s′adapte à la perfection à ses voisins sans que l′on décèle la fonction réelle de la mécanique. Malheureusement, la série tombe, comme je l′ai dit, au mauvais moment. Et la télévision est une affaire de synchronisation. Le Maître du haut Château a déjà marqué les saisons passées. Plus généralement, en cette période de résurgence des courants fascistes-néonazis-nationalistes-identitaires, le « Et si… » de l′uchronie provoque bien plus qu′une gêne. Lorsque des touristes chinois se font interpeller à Berlin pour avoir fait le salut nazi devant le Reichstag le temps d′un selfie, il y a vraiment de quoi s′interroger sur la transformation de la monstruosité en hypothèse.

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Ne faisons cependant pas de procès à SS-GB qui, en dépit de ses innombrables clichés, n′est suspecte d′aucune complaisance. Ces préventions étant énoncées, pourquoi SS-GB se laisse-t-elle tout de même regarder ? Les situations sont prévisibles, les protagonistes ont le schématisme des personnages de bande dessinée, on devine les traîtres dès leur apparition, les bourreaux ne torturent qu′hors-champ, les méchants sont des méchants de fiction, et les gentils de même, aucun excès ni faute de goût n′est à craindre et cela jusqu′au dénouement (pour l′instant provisoire). Même la femme fatale ne l′est pas réellement. Au mieux, le héros aura-t-il eu le temps d′effectuer sa petite révolution interne et de répondre à la question posée : Non, aucune justice n′est possible dans un régime injuste.

Acceptons alors que le charme de cette série soit d′être tout simplement désarmante. On y est chez soi, dans le ronron d′un imaginaire feutré. On reconnaît les tapisseries et les abat-jours. Rien ne dérange et la subtilité des complots suffit au plaisir. Les mécaniques bien huilées apaisent les anxieux, c′est leur fonction. On le sait depuis bien avant Jacopo Dondi, l′horlogerie n′est pas un art excessif.

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SS-GB est une série télévisée britannique créée par Len Deighton, auteur du roman éponyme, et diffusée en 2017 sur la BBC. Elle est interprétée notamment par : Sam Riley, Lars Eidinger, Kate Bosworth, James Cosmo, Maeve Dermody…

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