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Plus belle la Vie est morte, vive Plus belle la Vie !
Il suffit de lire avec quelle détestation Elisabeth Levy en parle dans sa revue d’Extrême-Droite, Causeur, sous le titre Plus woke la vie et avec, pour sous-titre, « Des séries télévisées française adoptent l’idéologie totalitaire du wokisme », pour se douter que ce feuilleton, le plus long de l’histoire de la télévision française (18 ans) avec ses 4 665 épisodes quotidiens, en a aussi été l’un des plus progressistes. Parce qu’il a su traduire au jour le jour les aléas de la vie quotidienne, de l’évolution des mœurs, des drames et joies de la métropole française la plus ouverte sur le monde, la plus bigarrée et la plus effervescente, Plus belle la Vie a offert un champ d’expérimentation du quotidien et de l’intime comme il n’en a jamais existé dans un pays contraint entre le mépris des élites intellectuelles et la démagogie populiste.
Le premier personnage transsexuel dans une série française : Plus belle la Vie
Le premier mariage homosexuel dans une série française : Plus belle la Vie
Le premier mariage à trois dans une série française : Plus belle la Vie (juste à temps, dans le dernier épisode)
La première représentation de l’euthanasie dans une série française : Plus belle la Vie
Le Sida : Plus belle la Vie
La première représentation de la Gestation Pour Autrui, dans une série française : Plus belle la Vie
Les violences conjugales : Plus belle la Vie
La délinquance et les violences urbaines : Plus belle la Vie

Il faudrait aussi parler de la prostitution étudiante, du viol conjugal, de l′inceste, de l′automutilation, de la maladie d’Alzheimer, etc…


Tout cela sans la moindre théorisation mais montré à l’épreuve des faits, comme autrefois dans Et si c’était vous ? Conséquence : un effet considérable sur un public considérable. Les témoignages se bousculent de celui qui révèle son homosexualité à ses grands-parents et s’entend répondre qu’ils ont déjà vu ça à la télé et qu’il n’y a pas de problème, de l’alcoolique qui se reconnaît dans un personnage et qui remercie l’acteur d’avoir si bien compris ce qu’il a enduré, de la femme victime de violences conjugales qui voit sa souffrance reconnue par celles qui l’ont subie et trouvent mieux comment en parler. Suivi à sa meilleure époque par 6, 8 millions de spectateurs, Plus belle la Vie a été le décalque de la société française. Il en a traduit les fractures, les crises, les remises en cause, mais avec un souci constant : celui de conserver intact le lien familial, c’est-à-dire le fondement de l’édifice social, Quels que soient les bouleversements et drames traversés par la famille, que celle-ci soit entière, recomposée, disséminée, revue et corrigée, elle reste une famille, c’est-à-dire une solidarité indéfectible. En cela, Plus belle la vie dit ce que la société toute entière, dont la famille n’est que le maillon originel, doit être : solidaire.

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Sans idéologie, disais-je, parce que les faits valent mieux que les longs discours. Rien de plus éloigné de la réalité qu’un débat au Parlement ou qu’une joute politique, rien de plus ressemblant à l’expérience de chacun que des acteurs interprétant des scènes de la vie quotidienne. Le théâtre a été inventé pour ça, pour raconter ce que nous sommes, à l’opposé de la théorisation politique. Le roman fait aussi cela, l’opéra, la comédie musicale et le cinéma également, toutes les formes de représentations interprétées par des acteurs (1) nous mettent en scène. Raconter la vie par l’exemple et non par la seule parole, voilà la puissance de la mise en scène.

C’est la raison pour laquelle j’écris Plus belle la Vie avec un V majuscule.

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Voilà aussi pourquoi Plus belle la Vie est un authentique feuilleton et non plus une série, genre fourre-tout où l’on mélange toutes les formes. Un feuilleton télévisuel, qui plus est quotidien, est un rendez-vous attendu par les spectateurs. Le visionnement en continu (binge watching pour les anglophones) relève d’un autre monde, post télévisuel. Le feuilleton se discute au boulot ou dans la cour de récré. Il est regardé par des centaines de milliers de gens, voire des millions au même instant. Le lien qu’il entretient avec ses spectateurs est extrêmement fort. Combien de petites filles appelées Sue Ellen à l’époque de Dallas ? Et en retour, si l’on peut dire, rappelons Mathis le prénom du bébé d’Emma et Baptiste, deux personnages de Plus belle la Vie, choisi en 2017 par des téléspectateurs qui ont, de plus, pu suivre la grossesse et l’accouchement de la maman en direct ! En vivo veritas.

Enfin, et ce n’est pas le moins important, Plus belle la Vie, souvent traité avec mépris comme une machine industrielle à fictionner n’en a pas moins inventé sa propre forme de narration à la fois théâtrale et sensible aux moindres ondes du réel. J’en parlais dans un article précédent.

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On ne regrettera qu’une seule chose : le choix d’effacer tout accent marseillais pour éviter « la pagnolade », en réalité par crainte d’affronter un mépris trop répandu à l’égard de ce qui s’écarte de la prononciation neutre de la bourgeoisie de l’Ille de France. Comme quoi Plus belle la vie n’aura pas réussi à vaincre tous les préjugés… Encore un effort, Marseille, pour vaincre le centralisme !

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PS : La meilleure nouvelle n’en reste pas moins qu’un très grand nombre de comédiens, de techniciens et d’auteurs ayant collaboré à Plus belle la Vie, pensent à suivre l’exemple marseillais des ouvriers de Fralib, l’entreprise de thés et infusions délocalisée en 2010 et devenue une coopérative aux mains de ses personnels après une lutte de 1336 jours (2). Ici, pas de lutte, bien sûr, mais l’idée de continuer ce qui s’arrête, autrement, par exemple sous la forme d’une coopérative. Voilà qui agacerait encore Elisabeth Levy.

Note : 1 – Les personnages de romans ne sont pas abstraits, ils sont interprétés par des acteurs de roman dirigés par l’auteur, bien évidemment. 2 – 1336 est le nom de cette formidable coopérative qui est à découvrir ici.

Plus belle la vie est un feuilleton télévisé français créé d’après une idée d’Hubert Besson et des personnages imaginés par Georges Desmouceaux, Bénédicte Achard, Magaly Richard-Serrano et Olivier Szulzynger. Il a été diffusé depuis le 30 août 2004 jusqu’au 18 novembre 2022 à raison de 5 épisodes par semaine.

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