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Alors que Barbara doute d’un jeune homme qui semble bien sous tous rapports, Baptiste se montre involontairement irresponsable. De son côté, Coralie va-t-elle écouter son coeur ?…

(Résumé du 3365ème épisode de Plus belle la vie)

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Plata o plomo

Demain nous appartient connaît un succès mitigé depuis son apparition sur TF1 en juin dernier. Ce rival de Plus belle la Vie échoue à égaliser le succès du plus ancien feuilleton de la télévision française. Rappelons les chiffres : plus de 3300 épisodes imperturbablement égrenés depuis le 30 août 2004 à raison de 5 jours par semaine, qu′il pleuve, qu′il neige ou qu′il vente.

En situant Demain nous appartient à Sète, TF1 avait frontalement joué le Languedoc contre la Provence, un port contre un autre. Du moins en apparence puisque, incapable de rivaliser avec le feuilleton de France 3, TF1 a tout simplement racheté la société Newen, propriétaire de Telfrance, le producteur de Plus belle la Vie. Le tout avec l’assentiment de la Ministre de la Culture de l′époque, Fleur Pellerin, accessoirement tutelle du service public. Comme disait Pablo Escobar, en guise d’alternative à ceux qui lui faisaient obstacle : « plata o plomo » (l′argent ou le plomb).

Ces péripéties d′affairistes ne doivent néanmoins pas masquer le véritable enjeu de ces deux séries qui jouent sur des registres bien distincts. Deux conceptions opposées de la télévision pourrions-nous même dire.

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Côté cinéma, côté théâtre

Demain nous appartient se place résolument du côté du cinéma : Les moyens techniques et financiers sont considérables pour une série qui bénéficie d′acteurs connus et de studios confortables. Elle est tournée par saisons entières, d′affilée. La bande son, consistante et largement musicalisée, s′appuie sur des ambiances honnêtement réalistes ponctuées de grandes plages de violons dès qu′il s′agit de dramatiser. Les scènes intérieures et extérieures alternent, ouvrant un large espace aux personnages * , le cadre est bien la ville de Sète, ostensiblement présente. Un seul exemple : l’histoire s’ouvre sur un accident/attentat sur l′eau, entre bateaux, au beau milieu du port.

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Plus belle la Vie, elle, se range clairement du côté du théâtre : Une majorité de plans sont tournés en studio, sans trop de dissimulation. Rares sont les scènes extérieures. La toute première scène du premier épisode est sur ce point exemplaire tant on souffre pour les acteurs dans les étroites limites du décor. On pourrait aisément concevoir une version de PBLV pour la scène, avec un décor en plusieurs panneaux. Une adaptation pour le théâtre serait d’ailleurs une idée formidable, plus avant-gardiste que tous les Jan Fabre réunis.

Les arrière-plans sonores sont minimalistes, comme puisés dans des compilations d′ambiances, la musicalisation suit, discrète mélopée d′ascenseur qui souligne à peine les situations. Que l′histoire se déroule à Marseille ou ailleurs n′a que peu d′importance. Si certains décors, comme le fameux café Le Mistral, ont été inspirés par des lieux réels, les accents sont soigneusement gommés afin d′éviter la « pagnolade », de l′aveu même des producteurs. Les personnages, et les acteurs qui vont avec, ne sont d′ailleurs que provisoires. Ils vivent leur vie, ne s’incrustent pas. On a plutôt le sentiment de les surprendre par hasard que de subir le récit de leurs aventures. Mais ce qui fait la force de PBLV, ce qui fait que la scène de théâtre devient télévisuelle, c’est d′être écrite et tournée en continu, au fur et à mesure, quasiment en direct, et de pouvoir ainsi s′emparer de sujets immédiats. L′homophobie, la drogue, le divorce, la prostitution étudiante, le viol conjugal, l′inceste, l′automutilation, Alzheimer… rien n′est évité sauf, bien évidemment, la politique. Du moins sérieusement. Peu de séries télévisuelles peuvent se permettre cette synchronisation avec la réalité.

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De fait, PBLV est une œuvre pédagogique, comme le sont les séries américaines si mal considérées de nos jours par la critique post-télévisuelle. PBLV alimente le débat public en mettant en scène des questions qui ne relèveraient autrement que de la simple polémique. Incarnées par des êtres qui nous ressemblent, rendues vivantes, au travers de visages et de corps, elles nous contraignent à prendre position. Ou, peut-être, nous mettent devant l′impossibilité d′un choix.

Demain nous appartient déploie au contraire tous les voiles du romanesque : histoire tortueuse à souhait, jalousies, héritages, disparitions, enfants cachés, adultères, crimes, amnésies, enlèvement, amourettes, empoisonnements, meurtres, une telle accumulation n’est guère crédible, mais qu′importe ! L′important est que les péripéties s′enchaînent à une vitesse raisonnable, que les épreuves s′emboîtent comme des poupées russes et que rien ne soit jamais stable très longtemps. Demain nous appartient nous raconte que le bonheur est un leurre, que la trahison est le lot commun, que les apparences sont systématiquement mensongères, que l′envie dirige le monde. Il faut vivre avec et supporter sans surprise ses innombrables incarnations.

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Tout cela génère assez de rebondissements pour donner son rythme au récit. On pourrait continuer ainsi indéfiniment, d’amourettes en tromperies, de vengeances en dénonciations. Le rythme supplante la mélodie. Qui est le fils de qui, en réalité ? Qui a trompé qui avec qui ? Qui a mis le poison dans les médicaments ? Une révélation par épisode. On ne saura jamais le mot de la fin. Mais pour tolérer une conception si affligeante de l′existence, il faut que les personnages qui l′éprouvent sachent la cristalliser. Une seule des épreuves qui leur sont infligées suffirait à occuper une vie entière. Mais, en bons personnages mélodramatiques, ils ont le don de transsubstantier les affects, de leur donner matière et forme afin de nous les rendre intelligibles et donc solubles dans l’imaginaire. Ce sont des héros qui savent métamorphoser l’exceptionnel en banal, finalement. Comme sans doute nous le faisons chaque jour. C’est en cela que nous nous y reconnaissons.

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Demain nous appartient est une vision désespérée de la vie  emballée dans une étoffe bon marché.

Du personnage à l′impersonnage

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Les personnages de Demain nous appartient sont organisés en groupes familiaux et hiérarchisés selon leur importance, avec, il faut le remarquer, une primauté des femmes, beaucoup plus actives dans la progression de la narration que leurs partenaires masculins. L′histoire s′organise autour d′Ingrid Chauvin (actrice dont la carrière est en elle-même un roman) et navigue entre les différents « clans », un peu comme dans Dallas, en veillant à donner sa part à chacun. Sans disserter sur la profondeur de personnages aux psychologies largement répertoriées, le mélodrame exige qu′ils rendent leurs sentiments palpables, comme je le disais. Les yeux rouges d′Ingrid Chauvin en témoignent à longueur d′épisodes. Mais les larmes ne venant jamais seules, il faut que la nature, le cadre, tout l′environnement y mettent du leur. Qu′ils collaborent au drame, comme les violoncelles soutiennent la plainte de violons. Certes, l′authenticité des lieux souligne le statut social des personnages, mais elle atteste aussi et d’abord de l′authenticité des sentiments.

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Dans la boîte étanche de PBLV, les personnages n′ont évidemment pas la même fonction. Ils sont d′abord beaucoup plus nombreux, plus d′une soixantaine. Il sont de surcroît sur un pied d′égalité, sans hiérarchie des rôles, l′histoire focalisant sur untel ou untel au gré du scénario, comme les chevaux de bois dans un manège. Les années passent, certains sont partis, d’autres sont restés, l′une est décédée, d’autres sont revenus après une longue absence, des guest-stars ont fait leur apparition, quant aux figurants **, qui sont, eux, d′authentiques Marseillais, ils sont recrutés par dizaines pour juste apparaître. Tout ce petit monde se transforme en permanence et l′on se dit qu′à terme, il se renouvellera entièrement sans que l′on s′en soit aperçu. Ce n′est pas que les personnages de PBLV n′aient pas de réelle consistance. Sommairement caractérisés, ils n’ont ni l′espace ni le temps pour approfondir leurs états d′âme. D’autant qu’ils sont entravés par des dialogues trop écrits pour être réalistes, mais pas assez pour être littéraires, qui les condamnent à une interprétation plate, quasi-distanciée. Cette impression d’artifice, aggravée par la matité du son de studio, caractérise le soap-opera. Ce qui ne veut pas dire qu’elle le condamne, bien au contraire.

Je qualifierai les personnages de Plus belle la Vie « d′impersonnages », c′est à dire de rouages de la mécanique narrative quasiment limités à leur fonction dans le récit. Cela signe d′ailleurs toute la modernité théâtrale de Plus belle la vie. Comme au théâtre, en effet, d′autres acteurs pourraient, un jour, interpréter à leur tour les mêmes personnages et d′une façon aussi économe, aussi moderniste. Le personnage se réduit ici au signe. Son élocution affirme sa distance à l’émotion au profit de ce qu’il représente (l’amoureuse, l’homme trompé, la femme du peuple, le séducteur, etc…). On frôlait l’expressionnisme avec Demain nous appartient, on plonge dans le post-brechtien avec Plus belle la vie. C’est pourquoi tout comme les personnages de l’Opera de 4 sous ou de Mahagonny, ceux de Plus belle la vie sont perméables à nos affects et nous permettent si bien de nous y reconnaître.

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L′impersonnage télévisuel, on le retrouve aussi dans Utopia ou dans Legion, ces séries qui lorgnent vers la bande dessinée et sont esthétiquement les plus inventives. Car un impersonnage n′évolue que dans un espace in-interprétable. Soit excessivement esthétisé, comme les grands à-plats colorés d′Utopia, soit anonymisé dans un décor de convention, ce qui est le choix de Plus belle la vie. Les mêmes impersonnages égarés dans les quartiers du nord de Marseille seraient tout bonnement improbables. Rien ne doit perturber l’impersonnage.

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Le miroir et le labyrinthe

PBLV nous tend un miroir. Demain nous appartient nous promène dans son labyrinthe d′intrigues. Toutes les deux n′ont pas de terme défini. Ca finira quand ça finira. Mais au fond, parce qu′elle nous demandent toutes deux de les croire, elles affirment chaque jour la puissance de la télévision et parce qu′elles en assurent la continuité sans regimber, elles en font leur sacerdoce. Contre la post-télévision. Ce qui suffit à les absoudre de toutes leurs fautes.

Notes :

* Cf interview d’Ingrid Chauvin

** Parmi eux, un jour, l′excellent Marc Mercier, directeur artistique de la manifestation Les Instants Vidéo, consacrée à l’expérimentation télévisuelle et poétique.

Plus belle la vie est un feuilleton créé d’après une idée originale d’Hubert Besson et des personnages imaginés par Georges Desmouceaux, Bénédicte Achard, Magaly Richard-Serrano et Olivier Szulzynger. Il est diffusé sur France 3 depuis 2004 et est interprété notamment par : Colette Renard, Cécilia Hornus, Sylvie Flepp, Hélène Médigue, Serge Dupire, Michel Cordes, Thierry Ragueneau, Pierre Martot, Rebecca Hampton, Geoffrey Sauveaux, Dounia Coesens, Ambroise Michel, Aurélie Vaneck, Sofiane Belmouden, Ibtissem Guerda, Lætitia Milot, Richard Guedj,…

Demain nous appartient est un feuilleton créé par Frédéric Chansel, Laure de Colbert, Nicolas Durand-Zouky, Eline Le Fur et Fabienne Lesieur. Il est diffusé sur TF1 depuis 2017 et est interprété notamment par : Ingrid Chauvin, Alexandre Brasseur, Clément Rémiens, Maud Baecker, Franck Monsigny, Solène Hébert , Romain Deroo, Lorie Pester, Luce Mouchel, Charlotte Valandrey…

4 réflexions sur “Plus belle la vie & Demain nous appartient

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